“Je ne suis pas de ceux qui baissent les yeux.”
Accoudé à un muret de La Cité, poitrine en avant, Yves tourne le dos à une des plus jolies vues de Lausanne. Il semble attendre, impatient, à la limite de l’agacement.
Mes premiers mots le mettent en confiance. Derrière ses lunettes semi-teintées, il se prête au jeu de la photo avec une aise contrôlée. Quand il enlève ses verres pour qu’on voit mieux ses yeux, il dévoile un oeil gauche bien tuméfié. Il est gêné. Il nous confie que le week-end précédent il s’est battu en sortant de boite et souligne fièrement que l’autre est ressorti de la dispute bien plus amoché que lui.
Pendant que Yves se confesse, je pense à la nature de nos disputes. A la difficulté que beaucoup ont à s’expliquer clairement et tendrement. À notre besoin de nous défendre en attaquant ou en disparaissant, même avec les gens qu’on aime, même sur des sujets peu importants. Je me demande quelles sont les blessures qui s’activent dans ces moments d’inconscience. Et pourquoi on préfère générer de la peur et du jugement, plutôt que de la curiosité et de la compassion.
Qu’est-ce qui fait qu’on s’énerve ou qu’on fuit autant ?
La personne qu’Yves attend arrive enfin. Elle est insouciante et généreuse. Je tombe sous le charme de ce duo improbable. Leur plaisir à être ensemble me fait espérer pour celles et ceux qui se sentent découragés à la sortie d’une dispute.
Où que vous soyez dans l’obscurité de votre chemin, possible que, tôt ou tard, un rayon illuminera votre regard au beurre noir.
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