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#4 - À la rencontre d'Isham

Texte : Séverine Yaffi


“Elle est belle ta femme.”


En ce matin de 1er août, les rues ont été désertées. Seuls trainent quelques malchanceux bien trop pressés d’aller travailler et ces personnes qu’on fait semblant de ne pas voir; nos fantômes.


De tous les gens rencontrés, Isham a été ma douche froide.



Nous étions réfugiés sur la terrasse d’un Tea-Room, un croissant chaud dans une main et un décolle paupières dans l'autre, quand il nous a tangué dessus, bateau ivre dont la nuit ne finit jamais.


Mon premier sentiment est probablement celui de beaucoup, un doux mélange de rejet et de méfiance saupoudré de cette petite couche de pitié bien pensante. Je sais très bien d’où vient cette révulsion et j’ai peur. Car Isham me renvoie à ma propre vulnérabilité, à la précarité de ce que je pense être acquis, une peur qui grandit un peu plus avec les années qui passent.


Quand insistant pour prendre une photo de “sa femme”, Carlo lui tend son appareil, je me sens honteuse en réalisant que j’aurais certainement refusé vu comme il a l’air perché.


Puis l’humain reprend sa place, en même temps qu’il s’installe avec nous. Je découvre un homme doux au sourire malicieux. Le cabotin nous raconte la Casablanca de son enfance et la bouteille de rouge achetée voilà 5 ans en Italie, cause de son arrivée fortuite en Suisse. 


Il me fait rire, il me donne envie de le prendre dans mes bras, de lui dire que tout va bien finir alors que probablement pas. Il me donne envie de prendre plus de temps pour casser ces préjugés que je m’empresse d’estampiller sur les gens, sous prétexte d’être trop pressée pour les rencontrer. Elle est peut être bien là la finalité de ce projet, m’obliger à ralentir et aller à la rencontre de l’autre.


Il repart comme il est venu, avec "Le Professeur", un de ses copains de pavé.


Puis le petit fantôme réapparaît, pour m’apporter une fleur avant se fondre à nouveau dans le décor. Une fois de plus celui qui a le moins aura été le plus généreux.


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